
DOHA – Dans un contexte de tensions persistantes entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, une rencontre inattendue entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame s’est tenue à Doha, sous l’égide de l’émir du Qatar, Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani. À l’issue de cette réunion trilatérale, les deux chefs d’État ont annoncé un cessez-le-feu immédiat, marquant une avancée significative dans le processus de pacification de l’Est de la RDC.
Selon la déclaration conjointe publiée à l’issue des discussions, cette initiative vise à consolider les bases d’une paix durable, en alignement avec les processus de Luanda et Nairobi, désormais fusionnés. Ce cadre diplomatique avait été établi pour trouver une solution à la crise sécuritaire dans l’Est congolais, en proie aux violences du groupe rebelle M23-AFC, soutenu par Kigali selon Kinshasa.
Les deux dirigeants ont également salué les avancées du sommet EAC-SADC tenu à Dar-Es-Salaam en février dernier, tout en réaffirmant leur engagement envers un cessez-le-feu inconditionnel, censé ouvrir la voie à une désescalade militaire et à un dialogue inclusif.
Une rencontre surprise dans un climat tendu
La réunion entre Tshisekedi et Kagame intervient dans un contexte délicat. Alors que des pourparlers de paix devaient s’ouvrir à Luanda, sous la médiation du président angolais João Lourenço, la coalition M23/AFC a brusquement annulé sa participation. Le groupe armé a dénoncé les sanctions de l’Union européenne contre ses responsables, accusant Bruxelles de partialité.
Cette volte-face a ajouté une nouvelle couche de complexité au conflit, rendant la médiation qatarie d’autant plus déterminante. Doha, qui s’est positionné ces dernières années comme un acteur de la diplomatie internationale, a réussi à réunir les présidents congolais et rwandais dans un cadre neutre, loin des pressions régionales et internationales habituelles.
Vers une réelle sortie de crise?
Si cet accord de cessez-le-feu constitue une avancée indéniable, la question demeure: sera-t-il respecté sur le terrain? Par le passé, plusieurs trêves ont été rapidement brisées par la reprise des hostilités, notamment dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
De plus, la RDC insiste sur le retrait total du M23 et sur des garanties quant au non-soutien du Rwanda aux groupes armés. De son côté, Kigali, bien que niant toute implication, réclame une résolution des tensions autour des réfugiés rwandais présents en RDC et la neutralisation des FDLR, un groupe armé hostile à son régime.
Le rôle du Qatar dans ce dossier sera donc scruté de près. L’émirat, qui mise sur sa diplomatie pour renforcer son influence en Afrique, devra s’assurer que cet engagement de paix ne soit pas qu’une annonce symbolique, mais le prélude à une solution durable.
Seule l’évolution sur le terrain dira si cette rencontre de Doha marquera le début d’une véritable désescalade du conflit RDC-Rwanda ou s’il s’agira d’un énième cessez-le-feu rapidement rompu.
© CongoForum – Gad Chrispin, 19.03.25
Image d’archives – source : Présidence RDC