BUKAVU – Lors d’un meeting tenu ce jeudi 27 février à Bukavu, Corneille Nangaa, coordonnateur de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC) et allié du M23, a lancé une mise en garde sans précédent aux institutions financières opérant dans les villes de Goma et Bukavu. Face à la fermeture prolongée des banques depuis la prise de Goma par l’AFC/M23, Nangaa a averti que des “mesures radicales” seraient prises si ces établissements ne rouvraient pas leurs portes dès la semaine prochaine.
“Si les banques à Bukavu et Goma ne rouvrent pas dès la semaine prochaine, l’AFC/M23 prendra des mesures contre ces institutions et commencera à accorder des licences afin que de nouvelles banques puissent commencer à servir la population”, a-t-il déclaré devant une foule acquise à sa cause.
Un bras de fer économique aux conséquences incertaines
Cette déclaration marque un nouveau tournant dans la crise qui secoue l’Est de la RDC. Depuis la prise de Goma par l’AFC/M23, les banques ont adopté une posture de fermeture en réponse aux pressions des nouvelles autorités locales, refusant d’opérer sous le contrôle de l’AFC/M23. Ce blocage a entraîné une paralysie financière qui impacte gravement la population et les activités économiques de la région.
Les habitants de Goma et Bukavu peinent à accéder à leurs économies, les entreprises sont à court de liquidités, et les fonctionnaires ainsi que les commerçants se retrouvent dans l’incapacité de mener leurs transactions quotidiennes.
Dans ce contexte, la menace de Nangaa d’instaurer de nouvelles institutions bancaires sous contrôle de l’AFC/M23 soulève plusieurs questions. S’agit-il d’une tentative de mettre en place un système financier parallèle ? Les grandes institutions bancaires nationales et internationales accepteront-elles de traiter avec une administration non reconnue officiellement par Kinshasa?
Une pression croissante sur les acteurs financiers
Pour l’instant, les banques concernées n’ont pas encore réagi officiellement à ces menaces, mais leur position reste délicate. D’un côté, elles sont soumises aux lois de la République démocratique du Congo (RDC) et au contrôle des autorités monétaires basées à Kinshasa, qui considèrent toujours l’AFC/M23 comme un mouvement rebelle. De l’autre, elles doivent composer avec la pression exercée localement par les nouvelles autorités de Goma, qui cherchent à asseoir leur domination sur l’économie régionale.
En outre, la déclaration de Nangaa met également en lumière les ambitions politiques et économiques de l’AFC/M23. En s’attaquant aux banques, le mouvement semble vouloir s’imposer non seulement militairement, mais aussi financièrement, en créant un environnement économique sous son contrôle direct.
Vers une escalade des tensions ?
Si les banques persistent dans leur refus d’ouvrir, la menace de l’AFC/M23 de prendre des mesures pourrait se concrétiser sous différentes formes: intimidation, confiscation d’actifs ou encore la création de nouvelles institutions financières à leur solde. Un tel scénario risquerait d’accentuer l’isolement économique de Goma et Bukavu et d’aggraver la crise humanitaire dans la région.
Du côté des autorités de Kinshasa, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée suite aux propos de Nangaa. Cependant, cette déclaration pourrait forcer le gouvernement central à prendre des mesures pour contrer l’initiative de l’AFC/M23, notamment en renforçant les sanctions financières contre les entités collaborant avec le mouvement.
Alors que la population de l’Est du pays continue de souffrir des conflits et des restrictions économiques, la question de la réouverture des banques devient un enjeu crucial. Si aucune solution n’est trouvée dans les prochains jours, l’affrontement entre l’AFC/M23 et les institutions financières pourrait basculer vers une confrontation aux conséquences imprévisibles.
La situation reste donc extrêmement tendue, et les prochains jours seront déterminants pour l’avenir économique de la région.
© CongoForum – rédaction, 28.02.25
Image – source: presse congolaise
