
KALEHE – La situation sécuritaire reste explosive dans la province du Sud-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo, alors que les milices locales connues sous le nom de Wazalendo, issues des Raia Mutomboki, ont infligé une lourde défaite aux rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise. Le mercredi 9 avril 2025, huit localités du groupement de Mbinga Sud, en chefferie de Buhavu, sont passées sous le contrôle de ces milices après de violents affrontements.
Des sources locales contactées sur place rapportent que cette offensive militaire, d’une rare intensité, a été lancée sur plusieurs fronts avec une coordination inhabituelle entre différentes factions armées. Ces groupes, qui se présentent comme supplétifs des Forces armées de la RDC (FARDC), ont mené des attaques synchronisées qui ont permis de déloger les forces du M23, établies dans la région depuis plusieurs semaines.
Les combats, qui se sont étendus sur une durée de trois jours, ont été marqués par des affrontements directs, des frappes ciblées sur les positions ennemies et des contre-offensives rapides. Selon les habitants ayant fui la zone des combats, des renforts du M23 auraient été aperçus arrivant de l’aéroport de Kavumu, pointant vers une possible implication plus structurée de l’armée rwandaise dans les opérations.
Une percée stratégique dans les Hauts plateaux
Parallèlement, une autre avancée significative a été enregistrée dans les Hauts plateaux du territoire de Kalehe. Là, les Wazalendo de deux autres mouvements armés, le COPACO et le MCDPN, sous le commandement des généraux autoproclamés Kirikicho, Maike et Bahige, ont reconquis les agglomérations de Shanje, Bushaku 1, Bushaku 2 et Nyawaronga. Cette reconquête s’est également accompagnée d’intenses affrontements avec les forces du M23, selon des témoignages recueillis auprès de la population locale.
Ces évolutions témoignent d’un basculement possible des rapports de force dans cette zone stratégique, longtemps disputée entre groupes armés locaux et rebelles soutenus par des intérêts extérieurs.
Une guerre par procuration?
Le regain d’intensité dans les combats relance les débats sur l’implication du Rwanda dans le conflit à l’Est de la RDC. Le soutien présumé de Kigali aux rebelles du M23 continue d’alimenter les tensions diplomatiques entre les deux pays. À plusieurs reprises, le gouvernement congolais a dénoncé une « agression déguisée » de la part du pays voisin, tandis que les appels de la communauté internationale à la désescalade restent lettre morte.
Une crise humanitaire aggravée
Alors que les milices se disputent le contrôle des territoires, la population civile paie un lourd tribut. Des milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs villages, abandonnant maisons, récoltes et biens de première nécessité. Les centres de santé sont débordés, et les déplacés affluent vers des zones plus stables, dans des conditions de vie déplorables.
« Nous avons marché toute la nuit pour fuir les tirs. Nos enfants ont faim et nous n’avons nulle part où aller », confie une mère de famille réfugiée dans les collines avoisinantes.
Un besoin urgent d’une solution durable
Ces affrontements répétés posent une fois de plus la question de la durabilité des initiatives de paix dans l’Est de la RDC. Malgré les accords régionaux, les médiations diplomatiques et les déploiements militaires, les conflits persistent, alimentés par les rivalités ethniques, l’exploitation illégale des ressources minières et les interférences étrangères.
La reprise des localités par les milices Wazalendo constitue sans doute un soulagement temporaire pour les autorités locales, mais elle souligne également la complexité du conflit congolais, où des acteurs non étatiques continuent d’occuper une place centrale dans la dynamique sécuritaire.
Dans l’attente d’un engagement clair de la communauté internationale et d’un dialogue véritablement inclusif entre les parties concernées, la population de Kalehe et du Sud-Kivu reste suspendue entre espoir et désillusion.
© CongoForum – rédaction, 10.04.25
Image – source: Radio Okapi / Google Maps