
KALEHE – Dans le groupement de Mubuku, au territoire de Kalehe, des dizaines de femmes enceintes déplacées de guerre vivent un véritable calvaire pour accéder aux soins de santé. Certaines doivent parcourir jusqu’à onze heures de marche pour atteindre la maternité la plus proche — un trajet souvent fatal pour les futures mamans et leurs enfants.
Depuis le début de l’année 2025, les affrontements armés dans la région ont forcé de nombreuses familles à fuir leurs villages pour se réfugier dans les forêts de Mubuku.
Si la sécurité y est relativement stable, les conditions de vie des déplacés demeurent extrêmement difficiles: manque d’eau potable, d’alimentation et surtout d’accès aux soins médicaux.
Le Dr Marcus Cirhalo, médecin chef de la zone de santé de Bunyakiri, tire la sonnette d’alarme: « Elles doivent marcher toute la journée pour accéder aux soins. Trois femmes sur dix perdent la vie en se dirigeant vers l’hôpital », déplore-t-il.
Le témoignage bouleversant de Madame Furaha Enakabuya, mère d’une victime, illustre la gravité de la situation: « Le 12 avril 2025, ma fille de 25 ans, sur le point d’accoucher, a commencé à se sentir mal. Avec l’aide des voisins, nous l’avons transportée sur la tête jusqu’au centre hospitalier de Cikoma, à trois heures de marche. Faute de prise en charge, on nous a renvoyés vers l’hôpital général de Bunyakiri, à huit heures de marche supplémentaires. Malheureusement, ma fille est décédée en route », raconte-t-elle, les larmes aux yeux.
Privées de structures de santé, plusieurs femmes choisissent d’accoucher dans les camps de déplacés, assistées par des sages-femmes non formées, ce qui accroît le risque de mortalité maternelle et infantile.
Selon Fabrice Bikulo, membre de la société civile de Bunyakiri, le groupement de Mubuku compte environ 7 800 déplacés, dont 5 650 femmes. « Nous demandons la construction de nouveaux postes de santé pour alléger le calvaire de nos mères et filles. Malheureusement, l’absence de routes, l’insécurité dans la brousse et le manque de réseau de télécommunication limitent l’accès des humanitaires à notre zone », explique-t-il.
Le Dr Cirhalo confirme que sur les 26 aires de santé que compte la zone de Bunyakiri, seules quatre bénéficient actuellement du soutien de Médecins Sans Frontières (MSF) et de la Transcultural Psychosocial Organization (TPO/DRC), en partenariat avec Médecins d’Afrique.
« Dans ces quatre aires, MSF prend en charge les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les survivantes de violences sexuelles et les blessés de guerre. Mais à Mubuku et à Bitobolo, aucun partenaire n’intervient », regrette-t-il.
De son côté, Paulin Malira, chef de projet au sein du consortium TPO/DRC – Médecins d’Afrique, reconnaît les limites de leurs actions: « Faute de financement, nous ne pouvons couvrir que quatre aires de santé sur les 26 que compte la zone de Bunyakiri », explique-t-il.
Pour Maître Bienvenue Chelubala, défenseur des droits humains, la responsabilité première revient à l’État congolais. « L’État a l’obligation de garantir les soins de santé à sa population, conformément à l’article 47 de la Constitution. En cas de manquement, il s’agit d’une violation des droits fondamentaux », souligne-t-il.
Il appelle le gouvernement congolais à prendre des mesures urgentes pour protéger les femmes enceintes déplacées de guerre et renforcer le système de santé dans les zones reculées de Kalehe.
À Mubuku, chaque jour de silence coûte des vies. Les acteurs locaux lancent un appel pressant aux autorités et aux organisations humanitaires pour agir sans délai.
Car ici, chaque heure de marche vers un centre de santé peut devenir une marche vers la mort.
© CongoForum – rédaction, 30.10.25
Image – source: presse congolaise