
GOMA – Plusieurs jours après les bruits de tirs d’armes lourdes et leurs corollaires, Goma chef-lieu de la province du Nord-Kivu, souffre déjà d’une autre guerre, tout aussi meurtrière que la première: la crise économique et pécuniaire.
Non seulement les banques restent encore cadenassées, mais aussi les prix des biens ont doublé, voire triplé, à tous les étages. Avec les pillages et toutes les autres scènes déplorables auxquelles la population a fait face, l’inquiétude grandit quant à une solution urgente et plusieurs autres questions se posent malgré la présence des éléments du Mouvement du 23 Mars qui occupent la ville déjà presque une semaine et cela sans aucune communication de la part du gouvernement de la RDC.
La situation vécue à Goma pendant la semaine qui s’achève, n’a pas été facile. Sans internet, sans eau, sans électricité, sans pain, sans paix. Heureusement la vie reprend, quoique timidement.
Des pillages
C’est ce dimanche que la population a renoué avec la connexion internet qui avait été coupée depuis un nombre de jours. La ville a été en tout cas saccagée: des pillages partout, de boutiques, magasins, dépôts d’organisations, de l’armée. Les auteurs de ces pillages étaient des combattants Wazalendo ou des jeunes affamés qui voulaient à tout prix avoir de quoi manger. La ville est pleine de douilles de cartouches, d’armes et d’effets militaires visibles un peu partout. Il faudra encore beaucoup d’efforts pour que la population en sorte résiliente.
Le samedi 1er février 2025, le gouvernement congolais a révélé le bilan provisoire de la guerre de 5 jours en pleine agglomération: il fait état de 773 morts et 2 880 blessés en 4 jours, seulement dans les structures de soins. Il s’agit plutôt d’un carnage. Le ministre de la Santé Publique, Roger Samuel Kamba Mulamba a utilisé un briefing pour souligner l’importance cruciale du don de sang à l’Est du pays. « Il y a des hôpitaux attaqués. Ce qui alourdit la prise en charge. Le sang est une denrée très nécessaire dans la situation où nous sommes » a expliqué Roger Kamba.
Des poches de sang
Le ministre espère faire collecter 5.000 poches de sang pour aider les plus ou moins 2880 victimes prises en charge dans les hôpitaux de Goma. Chemin faisant, Roger Kamba a fait savoir qu’il n’y avait, jusqu’ici, que 1.000 poches collectées, grâce aux personnes de bonne volonté qui ont répondu à l’appel en 2 jours.
La connexion internet est rétablie à Goma. Pendant 7 jours la ville traumatisée est restée coupée du monde. Les gens étaient sans nouvelles de leurs proches, un vrai casse-tête.
Les journalistes, les défenseurs de droits humains et les médecins ont passé des moments difficiles. Certaines personnes se dirigent vers le Rwanda voisin, la seule voie pour quitter Goma en ce moment. Un mouvement de populations qui fait poser des questions aussi. Des questions sans réponse, malgré les assurances de ceux qui contrôlent maintenant la ville.

Contre-attaque?
Certains Gomatriciens craignent pour leur sécurité en ne pas excluant une contre-attaques des FARDC. Le M23 de son son côté veut rester dans la ville, comme l’a dit Corneille Nangaa de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) lors d’une conférence de presse le mercredi dernier. Beaucoup de déplacés ont été constraints de quitter leurs camps pour regagner leurs villages d’origine où le calme règne selon le M23.
D’autres avec la peur au ventre, disent rester à Goma en attendant que le gouvernement congolais reprenne ces entités ce qui reste sans espoir vu la situation actuelle. La population de Goma, qui traverse des moments extrêment difficile, demande à la communauté internationale et des personnes de bonne volonté de leurs venir en aide avec de la nourriture et d’utilser son influence pour mettre fin aux guerres à l’est du Congo.
Le samedi dernier, le Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis Abeba a appelé à des sanctions contre le Rwanda pour son agression dans l’Est de la RDC. Dans un communiqué, le professeur Ntumba Lwaba, coordonnateur de ce Mécanisme, a indiqué que le moment est venu de passer « des condamnations formelles et des dénonciations sans conséquences, à de véritables sanctions » à l’endroit du Rwanda et de sa hiérarchie politico-militaire.
Face à la dégradation de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) a annoncé l’évacuation immédiate de tous les dépendants du personnel international et des volontaires des Nations unies (VNU) présents dans la capitale Kinshasa, martèlent plusieurs sources contactées par CongoForum. L’évacuation des familles du personnel onusien intervient alors que la Monusco est engagée dans un processus de retrait progressif du pays, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et aux demandes des autorités congolaises.
Cependant, cette mesure pourrait également refléter des craintes quant à une détérioration rapide du climat sécuritaire, y compris à Kinshasa, traditionnellement épargnée par les violences qui affectent l’Est du pays et à Goma particulièrement.
Bukavu est menacée
Le M23, déjà bien installé à Goma et dans beaucoup du villages du Nord- et du Sud-Kivu, menace de prendre aussi le contrôle de la ville de Bukavu où des habitants craignent déjà; certains ont commencé à déplacer leurs familles comme ils peuvent, expliquent nos sources dans la région de Bukavu.
Pendant que le M23 avance vers Bukavu, dans un communiqué publié sur X, l’armée ougandaise indique qu’elle adoptera une « posture défensive avancée » jusqu’à ce que la situation revienne à la normale dans la région. L’objectif de cette mesure, poursuit le communiqué, est de dissuader et d’empêcher les nombreux autres « groupes armés négatifs opérant dans l’est de la RDC d’exploiter la situation », d’une part. Et d’autre part, de « protéger et sécuriser les intérêts de l’Ouganda ». Plusieurs congolais vivant dans ce coin du pays doutent de la présence de cette force ougandaise.
Chose grave, parmi les groupes armés opérant dans la région figurent les ADF (Forces démocratiques alliées), un mouvement d’origine ougandaise qui, depuis 2014, est accusé d’avoir massacré plusieurs centaines de civils dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, ainsi que dans la province voisine de l’Ituri. Il sied de rappeler que depuis novembre 2021, l’armée ougandaise est déployée dans la région, sur invitation du gouvernement congolais. Des troupes ougandaises appuient les FARDC dans leurs efforts pour traquer les éléments de l’ADF.
© CongoForum – rédaction, 02.02.25
Images – source: presse congolaise