À Rubaya, les mines sous contrôle du M23 alimentent la guerre et la survie (CongoForum)

GOMA – À 60 km de Goma, les mines de la cité minière de Rubaya fonctionnent à plein régime sous la mainmise du M23. Tombées aux mains des rebelles en mai 2024, elles constituent aujourd’hui une source majeure de financement pour ce groupe politico-militaire.

Selon un rapport des Nations Unies, le M23 tirerait près de 800 000 dollars par mois de cette exploitation. Un flux d’argent qui alimente la guerre, mais aussi la survie de milliers de creuseurs artisanaux et de familles dépendant de cette activité minière.

Une industrie artisanale sous contrôle des rebelles

Sur les collines de Luundje et de Kabashumba, les bruits de pelles et de pioches résonnent dès l’aube. Chaque jour, des milliers de creuseurs descendent dans les mines, espérant trouver de quoi subvenir à leurs besoins.

Parmi eux, Bahati Serubungo, 32 ans, dont la vie est rythmée par l’exploitation minière depuis l’adolescence: « Je suis creuseur. Nous creusons des puits et, si on trouve un bon filon, on gagne bien notre vie. Parfois, on peut gagner entre 100 et 200 dollars par jour. Moi, j’ai commencé à 16 ans et aujourd’hui, j’ai une maison et quatre enfants. »

Le travail est harassant et dangereux, mais il offre un revenu que peu d’autres activités permettent dans cette région en proie à l’instabilité.

À ses côtés, Eugène Musabyimana, un autre creuseur, explique comment la situation a changé depuis l’arrivée du M23:« Je me lève à 7h et je travaille jusqu’à 15h. L’argent que je gagne me permet de survivre. Depuis que le M23 est là, il y a plus de travail, ce qui n’était pas le cas à l’époque des Wazalendo. »

Un commerce parallèle sous surveillance

Les mines ne profitent pas qu’aux creuseurs. Twizerimana, 40 ans, veuve et mère de cinq enfants, a trouvé une source de revenus dans le commerce de planches destinées aux renforts des puits miniers: « Avant, on nous volait notre argent. Aujourd’hui, on peut vendre sans crainte. Les planches coûtent entre 5 et 7 dollars. Avec beaucoup de clients, je peux gagner jusqu’à 100 dollars par mois. »

Ces témoignages illustrent une réalité paradoxale: si l’exploitation minière permet à de nombreuses familles de survivre, elle alimente aussi la guerre en renforçant financièrement le M23.

Une économie sous embargo militaire

Depuis la prise de Rubaya, fin avril 2024, le M23 a banni toute présence militaire dans les mines, consolidant ainsi son contrôle sur cette manne économique. Cette situation pose de nombreuses questions sur la traçabilité des minerais extraits, souvent destinés aux marchés internationaux, et sur les mécanismes de financement du conflit qui déchire l’est de la RDC.

Alors que la communauté internationale tente de juguler ce commerce illicite, les creuseurs, eux, continuent de descendre chaque jour dans les mines, oscillant entre espoir d’une vie meilleure et réalité brutale d’un travail sous domination rebelle.

© CongoForum – rédaction, 08.03.25

Image – source: presse congolaise

Image source: Monusco

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