BUTEMBO –Beaucoup de détenus sont décédés dans la prison centrale de Butembo entre janvier et août 2024. Conséquences d’une détérioration des conditions de détention qui s’observe au sein de cette maison carcérale de la ville de Butembo, dans la province du Nord-Kivu, à l’Est de la RDC. Au moins une cinquantaine de détenus sont décédés dans cet espace de 8 mois. La majorité des sources officielles, juridiques et de la société civile contactées affirment que c’est le surpeuplement de cet établissement pénitentiaire qui serait à l’origine de ces nombreux décès.
Construite pour plus ou moins 300 détenus, la prison centrale de Butembo est débordée par sa population. Communément appelée Kakwangura, cette maison carcérale est située en commune de Vulamba, non loin de la mairie et du bureau de la commune de Vulamba. Avec une clôture en briques et entourée de fils barbelés, cette prison accueille des détenus venant de Butembo et du territoire de Lubero.
Actuellement elle fait face à la surpopulation. Ces jours l’on dénombre plus ou moins 1 350 individus détenus dans cette prison. Ce chiffre qui fait froid au dos est cinq fois supérieur à la capacité initiale et soulèvent de sérieuses inquiétudes quant aux conditions de détention.
Ces informations viennent d’un travail de monitoring effectué dans cette maison pénitentiaire par les organisations de la société civile de Butembo. Le Réseau pour les droits de l’homme (REDHO) a toujours appelé, à chaque fois qu’il y a un cas de décès, la justice à accélérer l’instruction des dossiers des prévenus pour désengorger la prison. Sur l’ensemble de ces détenus, seulement moins de 500 ont déjà été jugés et condamnés. Les autres attendent encore, révèle le REDHO.
Pour son coordonnateur, Muhindo Wasivinywa, le retard enregistré dans le traitement des dossiers de plusieurs détenus est à la base du surpeuplement dans cet établissement pénitentiaire. Situation qui provoque des cas de décès qui y sont signalés depuis quelques mois. Il ajoute qu’il y aussi une vingtaine de femmes, parfois avec des nourrissons. Il y a des dizaines des malades et plus de 200 autres malnourris.
Accélerer l’instruction
Pour pallier cette situation, le REDHO appelle les pouvoirs judiciaires à accélérer l’instruction des dossiers des prévenus afin d’éviter les longues détentions préventives. Celles-ci contribuent à l’engorgement des différentes geôles et prisons de la ville. Le REDHO plaide que la justice soit vite rendue et dans des délais raisonnables pour garantir les droits des prévenus et éviter de nouvelles pertes en vies humaines.
Le REDHO estime qu’il est impératif que la société civile, les organisations humanitaires et les personnes de bonne volonté se mobilisent pour apporter de l’aide aux locataires de la prison de Kakwangura.
Les chiffres publiés dans le rapport d’une enquête menée au sein de la même prison centrale de Butembo, appelée « Kakwangura » par maître Sekera Kasereka Kivasuvwamo, font inquiéter plus d’une personne. D’après ce chercheur et défenseur judiciaire œuvrant dans la région, les causes des décès au sein de cette maison de correction, sont entre autres, la surpopulation et les déferrements sans respect de procédure de la part du parquet militaire de Butembo.
« Il y a 1 341 détenus à Kakwangura. C’est un chiffre jamais atteint auparavant. La prison a une capacité d’accueil de 300 personnes seulement. Selon un médecin que j’ai rencontré, l’espace d’un mètre carré prévu pour une personne est très réduit. C’est comme ça que les gens meurent. Mais moi, je me suis attaqué à la cause. Pourquoi ces gens sont dans la prison, qui les amène ? C’est beaucoup plus l’auditorat militaire. Parce que sur 1 341 détenus, il n’y a que 72 personnes qui sont venues du parquet civil. La raison est que l’auditorat ne respecte pas la procédure pénale », explique le chercheur.
La publication des résultats de cette enquête intervient après plusieurs alertes des organisations de défense des droits de l’homme sur les conditions d’incarcération alarmantes dans la prison de Butembo.
Que dit le parquet?
Réagissant aux accusations portées contre les responsables de la justice à Butembo, le substitut du procureur près le parquet de grande instance évoque plusieurs facteurs à la base de cette situation critique à Kakwangura. Outre le surpeuplement, le magistrat Nzuzi Niati Kumbu parle d’abord de l’exiguïté par rapport à la densité de la population de cette maison carcérale. Il y a aussi selon lui des infractions qui se commettent chaque jour.
Le magistrat Nzuzi Niati Kumbu rejette les accusations selon lesquels le parquet civil serait à la base de ce surpeuplement. Il ajoute qu’un autre facteur reste celui des détentions politiques, qui font que plusieurs prisonniers politiques remplissent la maison carcérale sans aucun jugement.
La question des décès de détenus est quasiment générale dans les prisons de la République Démocratique du Congo. Le ministre de la Justice et garde des sceaux, Constant Mutamba, avait ordonné tous les directeurs des prisons, d’appliquer strictement la loi sur le régime pénitentiaire et d’améliorer les conditions carcérales en RDC. Tous les responsables de ces institutions pénitentiaires avaient des directives sur la bonne gestion des maisons carcérales sous leur gestion d’après le site de la radio okapi (www.radiookapi.net).
« J’ai donné instruction pour qu’aucun prisonnier ne passe la nuit à même le sol. Et ça doit être clair. Puisque je sais quelle enveloppe l’Etat mettre à votre disposition. Il ne faudrait donc pas que vous soyez sanctionnés. Parce qu’il n’y a pas d’état d’âme dans la gestion de la République. Ne cherchez pas à salir votre cursus. Parce que je vais sanctionner. J’attends donc de vous l’amélioration des conditions de détention », a dit Constant Mutamba.
© CongoForum – Roger Mulyata, 26.08.24
Images – source: presse congolaise